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Puis-je être obligé de payer deux fois la prestation de transport de mes vins ?

Par Franck Tacconi, juriste du syndicat Vignerons Indépendants de l’Hérault

Le titre de cette rubrique appelle forcément une réponse positive, ce qui pourra pour certains d’entre vous paraître choquant et/ou à tout le moins surprenant, cependant la loi est ainsi faite. Tout récemment, le Tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la liquidation judiciaire des Transports Henri Ducros, filiale du groupe Dimotrans, le mercredi 13 mars 2024. Cette faillite fait que certains vignerons ont pu recevoir une mise en demeure émise par un transporteur X (sous-traitant de Henri DUCROS) qui exige le paiement d’une prestation de transport qui lui avait été confiée, non pas par les vignerons, mais par les transports Henri DUCROS, alors même que les vignerons n’ont jamais contracté avec la société X qui leur réclame le paiement de leur facture, leur transporteur étant Henri DUCROS.

Le problème vient du fait que très souvent et pour des raisons logistiques ou économiques, le transporteur à qui vous avez confié l’expédition de vos vins vers votre client a, dans les faits, sous-traité l’acheminement de vos produits à une autre société de transport et c’est cette dernière qui bénéficie d’un moyen légal de vous contraindre à payer la facture qui normalement aurait dû être payée par la société à laquelle vous avez confié vos vins. Ce moyen légal est souvent appelé dispositif GAYSSOT.

Pour l’anecdote, c’est un Biterrois qui est à l’origine de cette loi, le ministre Jean-Claude GAYSSOT, alors ministre des transports sous le gouvernement de Lionel JOSPIN de 1997 à 2002. A l’époque, il fut dressé le constat que beaucoup de transporteurs sous-traitant des acheminements de frets pour le compte de commissionnaires se retrouvaient bien souvent avec des prestations impayées. Solution fut trouvée en octroyant à ces voituriers le bénéfice légal d’une action directe contre différents acteurs du schéma de transport et plus précisément contre l’expéditeur et/ou contre le destinataire des marchandises.

Ainsi les dispositions codifiées à l’article L 132-8 du Code de commerce nous apprennent que le voiturier (c’est celui qui déplace physiquement le vin de votre chai vers votre client) qui n’est pas payé de sa prestation de transport, par exemple à cause du fait que celui qui lui a sous-traité se trouve en procédure collective, comme l’est la Société Henri DUCROS actuellement, a le droit d’agir directement en paiement contre vous en tant qu’expéditeur des vins ou même contre votre propre client destinataire, ce qui dans le dernier cas peut vous mettre dans l’embarras vis-à-vis de votre client.

Suis-je définitivement obligé de payer ?

L’action en paiement directe introduite par la loi GAYSSOT est assortie du caractère d’ordre public, ce qui signifie que l’on ne peut pas s’y opposer ou encore y déroger directement et cela de quelques manières que ce soit. Peu importe que vous ayez déjà réglé la prestation de transport à la société à laquelle vous aviez confié vos vins et donc, oui dans cette situation vous vous retrouvez à payer deux fois !

Puis-je me protéger stratégiquement contre ce dispositif Gayssot ?

Métaphoriquement, entre la paroi de la théorie juridique et celle de la pratique existe bien souvent une vallée semée de difficultés. Le régime de la loi Gayssot illustre parfaitement ce problème pour les garants solidaires du prix du transport que sont l’expéditeur et le destinataire.

Concrètement alors, que me permet le droit en tant qu’expéditeur ?

  • Subordonner le paiement du transporteur principal au paiement du voiturier en exigeant de votre partenaire de transport qu’il atteste du paiement du sous-traitant.
  • Interdire strictement par écrit la sous-traitance à votre partenaire. Si votre partenaire outrepasse cette interdiction et qu’il sous-traite le transport de vos vins vous aurez un motif contractuel de contestation, cependant cette limitation ne vous protège que partiellement de l’action directe Gayssot en paiement du sous-traitant impayé, car il faudra prouver que celui-ci a eu connaissance de cette interdiction avant d’accepter la mission confiée par le transporteur principal.
  • Prévoir que le voiturier sera payé par l’expéditeur. Juridiquement l’effet libératoire du paiement fait avant l’ouverture d’une procédure collective du transporteur principal empêche l’action Gayssot du voiturier contre vous.
  • Bien choisir son partenaire de transport en exigeant au préalable une garantie de solvabilité.

J’ai été obligé (à cause du dispositif Gayssot) de payer la facture de transport auprès du voiturier qui aurait dû être payée par le transporteur principal. Puis-je me retourner contre ce dernier afin d’obtenir remboursement ?

Encore une fois, théoriquement, on pourrait essayer par exemple d’assigner le transporteur principal sur le fondement de l’enrichissement sans cause (action de in rem verso en droit). Le transporteur principal ayant été payé par vous et en ne payant pas sa dette au sous-traitant il s’est donc enrichi 2 fois (un gain et une économie). Mais parmi les trois pré-requis à cette action, il est nécessaire de constater l’absence de justification contractuelle, légale, règlementaire provoquant l’obligation de paiement. La loi Gayssot étant une justification légale, l’action pour enrichissement sans cause du transporteur principal sera ainsi rejetée.

Conclusion 

Pour terminer, au-delà de l’importance d’être alerté de ce dispositif, vous aurez identifié qu’en tant qu’expéditeur, le droit ne vous offre que très peu de possibilité de vous prémunir de l’effet de la loi Gayssot. Plus précisément, les moyens de prévention sont très complexes à mettre en œuvre dans le monde réel.

Toutefois et avant de payer un sous-traitant utilisant l’action Gayssot, il tient toujours lieu d’analyser la situation précise ; par exemple, il serait possible de se trouver face à une créance prescrite. L’action en paiement Gayssot n’est en effet plus valable passé le délai d’un an à compter de la date à laquelle vos vins ont été remis à votre client destinataire.

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