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Article loi GAYSSOT rédigé par le cabinet Drouot Avocats

 

  • Puis-je être obligé de payer deux fois la prestation de transport de mes vins ?

Le titre de cette rubrique appelle forcément une réponse positive, ce qui pourra pour certains paraître choquant, à tout le moins surprenant. Cependant la loi est ainsi faite.

Récemment, le Tribunal de commerce de Bordeaux a converti le redressement judiciaire des Transports Henri Ducros, filiale du groupe Dimotrans, en liquidation judiciaire, par décision du 13 mars 2024.[1] Du fait de cette faillite, certains vignerons ont reçu une mise en demeure émise par un transporteur sous-traitant de Henri DUCROS, qui exige le paiement d’une prestation de transport qui lui avait été confiée, non pas par les vignerons, mais par Henri DUCROS. Ainsi, alors même que les vignerons n’ont jamais contracté avec la société sous-traitante et que leur transporteur était Henri DUCROS, la sous-traitante leur réclame le paiement de sa facture non honorée par Henri DUCROS.

En pratique, pour des raisons logistiques ou économiques, le transporteur à qui est confiée l’expédition du vin vers le client final sous-traite l’acheminement à une autre société de transport. Cette dernière, la société sous-traitante, doit normalement être payée par la société de transport qui lui a sous-traité la mission, mais si celle-ci est défaillante, alors la société sous-traitante bénéficie d’un moyen légal de contraindre l’expéditeur à payer sa facture. Ce moyen légal est souvent appelé dispositif GAYSSOT, ou action directe en paiement.

Pour l’anecdote, c’est un Biterrois qui est à l’origine de cette loi, le ministre Jean-Claude GAYSSOT, alors ministre des Transports sous le gouvernement de Lionel JOSPIN de 1997 à 2002. A l’époque, il fut dressé le constat que beaucoup de transporteurs sous-traitant des acheminements de frets pour le compte de commissionnaires voyaient leurs prestations impayées. Solution fut trouvée en octroyant à ces voituriers le bénéfice légal d’une action directe contre différents acteurs du schéma de transport et plus précisément contre l’expéditeur et/ou contre le destinataire des marchandises.

Selon les dispositions désormais codifiées à l’article L 132-8 du Code de commerce, le voiturier (celui qui déplace physiquement le vin du chai vers le client) qui n’est pas payé de sa prestation de transport, par exemple lorsque celui qui lui a sous-traité se trouve en procédure collective, a le droit d’agir directement en paiement contre l’expéditeur des vins ou même contre le client destinataire.

L’action en paiement directe introduite par la loi GAYSSOT est assortie du caractère d’ordre public, ce qui signifie que l’on ne peut pas s’y opposer ou encore y déroger contractuellement. Peu importe que vous ayez déjà réglé la prestation de transport à la société à laquelle vous aviez confié vos vins et donc, oui dans cette situation vous vous retrouvez à payer deux fois !

  • Puis-je me protéger stratégiquement contre ce dispositif Gayssot ?

Le régime de la loi Gayssot illustre parfaitement ce problème pour les garants solidaires du prix du transport que sont l’expéditeur et le destinataire.

Concrètement alors, que me permet le droit en tant qu’expéditeur ?

  • Subordonner le paiement du transporteur principal au paiement du voiturier en exigeant de votre partenaire de transport qu’il atteste du paiement du sous-traitant. Cette solution recommandée par une réponse ministérielle[2] est difficile à mettre en œuvre puisque vous vous exposerez à une amende administrative. Le transporteur et commissionnaire de transport doivent être payés à 30 jours. Le transporteur bénéficie du même délai pour payer son sous-traitant de même que le commissionnaire pour assurer le paiement du transporteur. Vous aurez ainsi des difficultés à obtenir du commissionnaire (ou du transporteur selon le cas) la preuve du paiement du prestataire transport avant l’échéance de votre facture, ou alors vous dépasserez la date d’échéance convenue pour procéder au règlement, ce qui engendre une amende administrative.
  • Interdire strictement par écrit la sous-traitance à votre partenaire. Si votre partenaire outrepasse cette interdiction et qu’il sous-traite le transport de vos vins de façon occulte vous aurez un motif contractuel de contestation, cependant cette limitation ne vous protège que partiellement de l’action directe Gayssot en paiement du sous-traitant impayé, car il faudra prouver que celui-ci a eu connaissance de cette interdiction avant d’accepter la mission confiée par le transporteur principal.[3]
  • Bien choisir son partenaire de transport en exigeant au préalable une garantie de solvabilité.

En revanche, les dispositions de l’article L.132-8 du Code de commerce instaurant l’action directe en paiement sont d’ordre public, ce qui signifie que même si les parties y dérogent par une clause contractuelle, celle-ci est réputée non-écrite de sorte que le sous-traitant bénéficiera quand même de l’action directe et pourra venir chercher le paiement de sa créance.

  • J’ai été obligé (à cause du dispositif Gayssot) de payer la facture de transport auprès du voiturier qui aurait dû être payée par le transporteur principal. Puis-je me retourner contre ce dernier afin d’obtenir remboursement ?

Encore une fois, théoriquement, on pourrait essayer par exemple d’assigner le transporteur principal sur le fondement de l’enrichissement sans cause (action de in rem verso en droit). Le transporteur principal ayant été payé par vous et en ne payant pas sa dette au sous-traitant il s’est donc enrichi 2 fois (un gain et une économie). Mais parmi les trois prérequis de l’action in rem verso, il est nécessaire de constater l’absence de justification contractuelle, légale, règlementaire provoquant l’obligation de paiement. La loi Gayssot étant une justification légale, l’action pour enrichissement sans cause du transporteur principal sera ainsi rejetée.

Conclusion 

Au-delà de l’importance d’être alerté de ce dispositif, vous aurez identifié qu’en tant qu’expéditeur, le droit ne vous offre que très peu de possibilité de vous prémunir de l’effet de la loi Gayssot. Plus précisément, les moyens de prévention sont complexes à mettre en œuvre dans le monde réel.

Toutefois et avant de payer un sous-traitant utilisant l’action Gayssot, il tient toujours lieu d’analyser la situation précise ; par exemple, il serait possible de se trouver face à une créance prescrite. L’action en paiement Gayssot n’est en effet plus valable passé le délai d’un an à compter de la date à laquelle les vins ont été remis au client destinataire.

Prendre un conseil en ce cas pour analyser la situation d’un point de vue juridique, et avant tout paiement, peut être opportun.

[1] Bodacc A n° 20240059 du 24/03/2024, annonce n° 2443

[2] https://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-45806QE.htm

[3] Cass. com., 28 janv. 2004, n° 02-13.912

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