Vin & Société nous informe de la décision du tribunal judiciaire de Paris dans l’affaire « Rosé Garcia », un vin dont le conditionnement et la promotion mettent en avant le comédien José Garcia et qui a été attaqué par l’association Addictions France.
Contexte :
L’association Addictions France reprochait au vin une communication jugée contraire à la loi Evin, avec des vidéos promotionnelles humoristiques, des mentions incitatives (« un rosé de fête et de chants… »), ainsi que l’utilisation du nom et du visage de l’acteur sur l’étiquette, éléments perçus comme une incitation festive à la consommation.
Addictions France estimait que cette communication faisait illégalement appel à la notoriété de l’acteur, qui n’est ni vigneron, ni propriétaire ou producteur, et qu’elle contribuait à associer l’alcool à des valeurs de convivialité et de bonne humeur, ce que la loi Evin proscrit. L’association demandait donc l’interdiction de la publicité, ainsi que du conditionnement de la bouteille lui-même.
Sur le sujet de la publicité du vin :
Le tribunal a commencé par rappeler que la publicité pour l’alcool ne peut être jugée illicite au seul motif qu’elle serait attractive, ou inciterait à la consommation car c’est l’objectif de la publicité. Seule l’incitation à une consommation excessive contrevient à l’objectif de santé publique de lutte contre l’alcoolisme. Ainsi, « la présentation des contenus autorisés dans une publicité peut-elle être faite de façon favorable, en termes positifs et attrayants, et ne pas se limiter à de la pure neutralité, dès lors que l’incitation qu’elle a pour objectif de provoquer n’apparait pas comme excessive ou induite par des considérations totalement étrangères aux éléments présentés dans la publicité. »
Sans surprise en revanche, et conformément à la loi Evin, le tribunal a jugé illicites les vidéos promotionnelles mettant en scène le comédien, ainsi que les mentions relevées ci-dessus sur le rosé « de fête et de chants… ».
Sur le sujet du conditionnement :
Le tribunal a relevé que le conditionnement (bouteille et étiquette) « ne peut en lui-même être considéré comme une publicité », et qu’il n’est donc pas limité aux seules thématiques imposées par la loi Evin pour les publicités. À condition toutefois que ce conditionnement ne soit pas lui-même reproduit à des fins publicitaires. Le conditionnement doit alors se conformer à la loi Evin, mais une demande de retrait des rayons et site de vente n’est pas possible selon la loi.
À noter que le tribunal considère que la reproduction d’un conditionnement sur un site de vente en ligne n’est pas considérée comme une publicité. En revanche, l’ajout de mentions pouvant être qualifiées de publicitaires doit conduire à un traitement différent : ici, la présence sur un site d’une photo de l’acteur, un verre à la main, d’un lien vers une vidéo promotionnelle, d’un texte comportant des mentions telles que « pourquoi le rosé Garcia est irrésistible » ou dressant un parallèle entre la jovialité de l’acteur et les qualités du vin ici lié à la fête, sont autant de mentions qui sont qualifiées de publicité et sont en dehors des thématiques autorisées par la loi Evin.
Analyse de la décision :
Vin & Société poursuit son analyse en rappelant de précédentes décisions contradictoires (bières levrette par exemple) qui considèrent que la loi Evin s’applique au packaging et que l’interdiction de vente peut être prononcée par un tribunal. D’une affaire à l’autre, on constate que les tribunaux peinent à appliquer une loi dont la rédaction, en indiquant sans autre précision que le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme à la loi Evin, laisse le champ libre à des interprétations tantôt libérales, tantôt restrictives.
Si cela incite à la prudence, il permet également de ne pas céder aveuglément aux tentatives d’intimidation d’Addictions France, qui adresse des courriers aux entreprises dont elle juge certains packagings non conformes. L’intérêt principal de la décision concerne le fait que la simple reproduction du conditionnement sur des sites de vente en ligne, sans mentions publicitaires annexes, ne doit pas être considérée comme une publicité.
Autre point à noter, la question de la collaboration avec des célébrités ou personnalités publiques extérieures à la filière : le tribunal s’est longuement penché sur la question de l’implication de José Garcia dans l’élaboration de cette cuvée. Son absence d’implication dans le milieu viticole, ou dans l’élaboration du vin, sont des éléments problématiques pour le tribunal.
Enfin le tribunal a rappelé l’importance d’apposer les messages sanitaires de manière visible sur tous les contenus publicitaires (y compris sur les réseaux sociaux).